La délégation interministérielle aux troubles du neurodéveloppement vient de publier une instruction ouvrant un nouveau dispositif intitulé “SAMSAH Habitat Emploi” pour les personnes autistes avec un trouble du développement intellectuel (TDI) et vivant en institutions spécialisées. Présenté comme une prise d’autonomie par le travail, ce dispositif est inspiré du projet Andros de l’usine Novandie porté par l’association Vivre et Travailler Autrement “VETA”, que nous avions dénoncé dès 2019.
L’instruction ministérielle revendique laisser aux départements la liberté de choisir les porteurs de projet. Dans les faits, l’association VETA a déjà construit un quasi-monopole sur ce type de dispositifs, en imposant son modèle résidentiel médico-social clé en main ainsi que son expertise et ses formations.
Derrière un discours bien rodé sur l’inclusion, la liberté et la promotion de “l’habitat inclusif” (mutualisation des aides humaines et présence d’un encadrement éducatif) le “VETA” ne fait que transposer à l’identique les institutions spécialisée (vie en groupe, discipline, activités imposées) tout en imposant un cadre tout aussi contraignant.
Par exemple, l’encadrement médico-social reste omniprésent, détournant au passage les temps d’activités dit “éducatif” (apprendre à “faire les courses”, à “faire le ménage des parties communes”) pour en faire du travail non rémunéré. S’ajoute à cela que les bénéficiaires subissent une évaluation continue censée mesurer leur prise d’autonomie (mais qui concrètement ne vise qu’à s’assurer de leur docilité).
En outre, ce programme, tout en prétextant offrir un travail, ne propose que des emplois centrés sur des tâches répétitives ou de la manutention, correspondant soi-disant aux stéréotypes répandus sur l’autisme: minutie, routines, gestes répétitifs. Des activités choisies sans concertation réelle avec les concernées, souvent non-oralisantes et/ou avec un handicap intellectuel.
Un public n’ayant d’ailleurs jamais connu d’alternative à l’institution, peu voir pas formé à la prise de décision à qui l’on va imposer un non choix: rester en établissement ou “s’insérer” dans une structure où absolument tout (emploi, repas, logement) est contrôlé par l’employeur ou ses partenaires issu du médico-social.
Un modèle digne du paternalisme industriel du 19eme siècle, où le patron s’improvise aussi bien employeur, bailleur qu’autorité morale. La nécessité d’imposer des “protections” autant qu’un “accompagnement global” lié à l’autisme s’avère au final n’être qu’un passage de relais de l’institution à l’entreprise. Les bénéficiaires payent au final leur inclusion par leur travail, tout en restant captifs du médico-social.
Pour l’instant, ce dispositif ne concerne que 6 à 10 personnes par département, soit moins de 1 % du public visé. Et pour cause il ne s’agit évidemment pas de répondre le plus largement aux besoins des personnes autistes, mais bien de sélectionner des profils institutionnalisés jugés “exploitables”, pour alimenter des secteurs en tension à moindre coût en période de crise économique.
Alors que les entreprises qui ont rejoint le dispositif (Andros, LVMH, L’Oréal, Barilla, Servair) bénéficient publiquement d’une image d’entreprise solidaire (au même titre que les Café Joyeux). En coulisse, elles réduisent leur recours à l’intérim, via le recours à une main-d’œuvre supposée “en formation”.
Donner du travail aux personnes en situation de handicap n’est ni un gage de justice ni de progrès, car derrière les discours centrés sur la bienveillance se profile une économie de la charité, où le “don” justifie l’exploitation et où les plus fragiles sont “admis” à condition de prouver leur utilité.
Nous exigeons :
– Un véritable soutien à la vie autonome, incluant une aide humaine personnalisée pour accéder à un logement indépendant, disponible 24h/24 si nécessaire, doublé d’une stratégie de désinstitutionnalisation planifiée et chiffrée.
– Le respect de la liberté de choix dans les soins et les accompagnements, en imposant par exemple un cahier de charges conçu par et dans l’intérêt des personnes concernées, et non pour servir les intérêts économiques des entreprises ou des associations gestionnaires.
– La représentation paritaire des personnes autistes dans tous les dispositifs qui les concernent (CSE, CDAPH, SAMSAH, CAP EMPLOI…). Si une personne peut passer un entretien d’embauche ou une évaluation annuelle à l’écrit ou avec des pictogrammes, alors elle est pleinement capable de statuer sur son propre accompagnement.
Sortir de l’institution, ce n’est pas la vocation du travail ni de l’entreprise, l’assistance personnelle, le soutien entre pairs, des services communautaires accessibles ainsi que des aides individualisée versée sans conditions devraient être des prérequis avant d’aborder la question de l’insertion professionnelle. D’autres pays ont fait ce choix comme la Suède , le Royaume Uni, le Danemark, la Finlande, les Pays- bas, les États Unis tout en prouvant que ce modèle économique était viable et beaucoup moins coûteux que celui du secteur médico-social.