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PJL Immigration : CLE Autistes dénonce une nouvelle régression des droits des étranger-e-s

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Communiqué de CLE Autistes sur l’impact de la loi sur l’immigration.

Le nouveau texte de loi porté par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, nommé “Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration”, est une nouvelle régression des droits des étrangèr-es, notamment en matière d’aides financières, d’accès à la santé, et de menace d’expulsion du territoire. 

Si la France durcit encore ses positions en matière de politique d’immigration, c’est dans le but de “stopper l’appel d’air” de l’immigration. Une menace aux relents validistes et xénophobes. 

Initialement, la loi visait la suppression de l’AME (Aide médicale d’Etat) pour la remplacer par l’AMU (Aide Médicale d’Urgence). Cette aide médicale permet une prise en charge à 100% des soins médicaux des personnes étrangères en situation irrégulière. Le remplacement par l’AMU signifierait que seules les pathologies graves, ou en état d’avancement qui nécessiterait une prise en charge d’urgence, pourraient être prises en charge. Cette mesure est contre-productive économiquement car elle va contribuer à engorger les hôpitaux avec des personnes qui auraient pu être soignées à moindre frais avant.

Il était aussi question du conditionnement des prestations sociales non contributives (PCH, allocations familiales, APL, droit au logement opposable) à 5 ans de résidence stable sur le territoire, contre 6 mois actuellement. Un doute subsiste si cette mesure concerne également l’AEEH (l’allocation d’éducation aux enfants handicapés).

La PCH (ou Prestation de Compensation du Handicap) est une prestation de survie. Elle permet de financer les aides techniques et humaines qui couvrent les besoins vitaux que les personnes handicapées ne peuvent pas remplir seules, telles que faire sa toilette, se nourrir, s’habiller, etc.

Cette prestation est déjà très insuffisamment allouée aux personnes handicapées et ne couvre pas la totalité des besoins. Elle ne rembourse pas la totalité des aides à la mobilité, elle ne garantit pas toujours une présence humaine autant que nécessaire… Conditionner la PCH à 5 ans de travail et de résidence stable en France est donc un non-sens total. 

Ce conditionnement participe à une ségrégation des droits entre les “bon-nes” personnes handi-es blanc-hes, capables de percevoir les aides dont ils ont besoin pour survivre, et les “mauvais-es” handi-es issu-es de l’immigration, condamné-es à devoir travailler 5 ans avant de toucher des aides – et qui, rappelons le, font déjà face à des difficultés d’accès à l’emploi, aux soins et à une vie digne de par leur double condition de personnes handicapées et de personnes étrangères racisées. 

Les personnes étrangères et handicapées qui ne sont pas en mesure de travailler seraient donc touchées matériellement, ce qui conduirait à une perte d’autonomie considérable. Ces personnes devraient trouver elleux-mêmes des financements pour leurs aides humaines, aides techniques, animalières, mais aussi leur logement, payer les frais liés à leurs enfants… C’est donc véritablement une précarisation à l’extrême – volontaire et assumée – que cette loi organise. 

Mais cela va même jusqu’à compromettre la vie de ces personnes, puisque ces aides sont souvent utilisées pour accomplir des actes élémentaires dont on a besoin pour survivre, comme manger et se laver. Cette dépendance totale aux aides entraînerait la mort et donc la sélection des personnes étrangères, et plus particulièrement celles qui sont handicapées, ce nous conduit à la conclusion qu’il s’agit d’un projet doublement raciste et eugéniste.

Cette politique a déjà été intégrée en Espagne en 2012. La restriction de l’aide médicale aux étrangèr-es mené à une augmentation du taux de mortalité des sans-papiers jusqu’à atteindre une hausse de mortalité de 22.6% en 2025. 

La loi a finalement été retirée suite à la catastrophe sanitaire et sociale que cela a provoqué. Faudra-t-il, en France, attendre la mort de ces personnes pour réagir ?

La société civile, organisée en collectifs, a historiquement composé le réseau de lutte contre les réformes sur l’immigration, et continue aujourd’hui à s’engager contre le projet de loi Asile et Immigration, apportant une lueur d’espoir au coeur de cette infâmie xénophobe.

L’UICJ, Uni-e-s Contre l’Immigration Jetable, un intercollectif d’une cinquantaine d’organisations et syndicats contre le racisme, pour l’égalité des droits et la justice s’est réuni pour demander une motion de rejet du texte de loi. L’UICJ appelle à une mobilisation la plus large possible sur tout le territoire – la prochaine date de mobilisation est le 18 Décembre, lors de la manifestation prévue pour la Journée internationale des personnes migrantes.

Cette lutte porte ses fruits puisque finalement, le texte adopté par l’Assemblée Nationale en première lecture annule la suppression de l’AME, de la PCH et des allocations familiales.

Il faut continuer à lutter pour les droits des étrangèr-es en situation irrégulière à être soigné-es, car cette mise en danger montre que ces droits restent fragiles et menacés – si leur suppression a été évoquée, qu’est-ce qui empêche qu’elle soit actée dans un futur proche? Le contexte historique de régression des droits des personnes étrangères à être soignées (loi Pasqua en 1993 ; loi immigration du gouvernement Fillon en 2011; réduction des soins pris en charge par l’AME en 2021…) nous empêche de douter.

Le sujet du handicap, tout comme le sujet du racisme, est éminemment politique. 

Les violences envers les personnes handicapées ne sont pas le fruit de violences individuelles, mais bien systémiques, organisées par la loi et le gouvernement. On est ici à la croisée entre un racisme et un validisme d’Etat qui entraînent la précarité et même la mort des personnes concernées. 

Cela ne va pas sans rappeler les personnes étrangères, emprisonnées de façon arbitraire, dans des CRA – des centres de rétention administrative, soit des prisons pour faire peur et enfermer celles et ceux qui dérangent. Dont, bien évidemment, les personnes handies et psychiatrisées.

Cette proposition de loi remet également en question l’existence même d’un code qui cible spécifiquement les étrangèr-es en France – le CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Son existence même permet la systématisation de la discrimination des personnes étrangères en France, en les soumettant à un régime de droit différent que celui des Français-es. 

Pour citer le média “Soigner demain”, “L’éthique médicale est en sursis permanent; nous ne sommes pas au bout de nos luttes”.