EDIT : Suite à ce droit de réponse, Mr Maleval nous fait une crise de validosplaining dans son nouvel article “De la liberté d’expression en matière d’autisme . Mr Maleval devrait savoir que le droit à la liberté d’expression n’est pas le droit au dialogue ni au débat et que nous sommes centrés sur celle des autistes. On laisse juger.
Le célèbre psychanalyste rennais JC Maleval nous a découvert récemment et a écrit un article élogieux mais qui ne correspond en aucun cas à nos principes
« Écoutez les autistes », prétend Jean-Claude Maleval d’entrée… Non, Monsieur Maleval, vous ne souhaitez nullement écouter les autistes, mais bien récupérer des alliés dans votre guerre contre l’ABA et les associations de parents, tout en maintenant les autistes sous votre tutelle paternaliste et psychanalysante. Votre texte rivalise de validosplaining, vous le sachant prétendant nous apporter le savoir qui nous manquerait…
Cette déduction ne résulte guère de peurs archaïco-délirantes ou de notre prétendu manque de bords sans trous, mais de l’analyse textuelle et iconographique de votre article. Vous qui gagnez votre vie à analyser les paroles de l’autre, permettez que l’on agisse avec cette même politesse envers vous.
Gratuitement, qui plus est !
Vous employez à deux reprises le « nous » dans votre tribune : s’agit-il de vous exprimer au nom de l’ensemble des psychanalystes freudo-lacaniens ? L’affreuse image de bouche au travers de papier rose déchiré, par laquelle vous trouvez opportun d’entamer votre texte, constitue t-elle une référence aux théories des bords sans trous énoncées par vous-mêmes et l’un de vos confrères, le freudien Bernard Seynhaeve ? D’après lui, une grande partie des problèmes de ses « patients » autistes découleraient d’une perception du corps comme d’une « surface sans trou » : « s’il n’a pas de trou, le sujet n’a pas non plus d’objet d’échange avec le monde, avec l’Autre. Pure superficie, le corps-carapace est ce qu’il advient d’un corps dont tous les orifices sont bouchés […] l’autiste se constitue un vêtement-carapace qu’il refuse d’ôter […] la violence s’inscrit dans une logique où l’excès d’excitation ne peut pas être traité par le sujet. Soit parce que l’excès d’excitation envahit son corps, soit parce que l’Autre tente de faire effraction dans le corps-carapace ».
Nous serions intrigués d’accueillir votre parole sur ce point, monsieur Maleval. Et gratuitement. Vous n’êtes pas notre patient, pas plus que nous ne sommes les vôtres.
Monsieur Maleval, vous citez ensuite « Schovanec » (il serait plus respectueux de le citer avec son prénom, à savoir « Josef ») en page 238 du grand format de son premier essai Je suis à l’Est, paru en 2012. Josef s’y étonne, à juste raison, que certaines associations du domaine de l’autisme en France restreignent l’expression et la possibilité décisionnelle de leurs membres autistes. Nous sommes parfaitement en accord avec lui sur ce point ! Mais l’on s’étonne, monsieur Maleval, vous qui semblez avoir lu Je suis à l’Est !, que vous oubliiez de citer les expériences de Josef avec son psychanalyste. Pages 88 et 89 : « […] j’ai fait approximativement cinq ans de psychanalyse suivie chez l’un des psychanalystes les plus réputés de Paris […] Une véritable rente pour lui […] Un jour, le psychanalyste m’avait dit, d’entrée de jeu : « Vous viendrez chez moi jusqu’à mon départ à la retraite ». En termes de sécurité d’emploi, il n’y a pas mieux ». Est-il utile d’ajouter que le-dit réputé psychanalyste parisien fut incapable, en cinq ans, de deviner que Josef est autiste ? En revanche, il chargea l’un de ses confrères de lui prescrire toutes sortes de neuroleptiques, en particuliers du Zyprexa, dont Josef détaille les effets secondaires…
Citer ou se revendiquer du bord des personnes autistes sans leur demander leur avis semble un grand classique chez vous et vos confrères ! On se souvient que Pierre Delion avait cité la « machine à câlin » de Temple Grandin en tant qu’« excellent exemple des fonctions vers lesquelles le packing tend pour aider les personnes autistes à retrouver une contenance suffisante lorsqu’elles traversent des moments de déconstruction trop angoissants ». Cela avait obligé Temple à répondre qu’elle aurait détesté le packing, car l’enfant doit être en mesure de contrôler la pression lui-même » 1. Ecouter les autistes ? Ou seulement pour interpréter leurs propos dans le sens de vos intérêts psychanalytiques… ?
Monsieur Maleval, vous écrivez ensuite, au sujet de notre collectif, « Il est notable que leurs écrits ne commencent pas par les habituelles vitupérations mal informées contre la psychanalyse. Auraient-ils l’intuition qu’il existe de larges convergences entre les opinions exprimées sur leur site et l’approche psychanalytique contemporaine de l’autisme ? ».
Je crains que vous n’ayez mal consulté le site du CLE-autistes, ce qui vous aurait permis de mieux comprendre notre « intuition ». Notre webothèque fait clairement état de la non-efficacité de la psychanalyse . Il n’existe sur ce point aucune convergence entre vos intérêts et les nôtres. Nous citons d’ailleurs l’excellent site parodique Freud Quotidien, parmi nos ressources, mais aucun site tenu par des psychanalystes… Et pour cause. Appliquer un vocabulaire psychanalytique pour nous définir relève d’une énième volonté de nous ramener au statut de patients, ce qui est contraire à notre initiative prônant un fonctionnement différent, ne découlant pas d’une anomalie quelconque.
Vous prétendez par la suite expliquer, soit votre position au sujet de l’autisme, soit celle de l’ensemble des psychanalyste… Vous manifestez votre accord à parler des « autistes » et non des « personnes avec autisme », expression qui « ferait de l’autisme une adjonction maladive, ou une substance étrangère, dont il faudrait débarrasser la personne »… Monsieur Maleval, avez-vous bien lu le premier livre de Josef Schovanec ? Il y explique cette expression, que vous décrivez comme « politiquement correcte », à la page 247 : « non pas que je croie que l’on puisse un jour avoir l’autisme comme une valise (un parapluie, diront les psychanalystes […]) mais parce que la simple allusion à cette possibilité met en lumière le fait que la personne, quoi qu’il arrive, dépasse de sa valise […] je crois que l’être humain est très complexe, qu’on ne peut jamais le décrire par un seul critère ».
S’ensuit un nouveau long paragraphe prétendant nous expliquer que notre souhait d’inclusion, notamment scolaire, serait louable mais impossible pour l’ensemble des personnes autistes : « Les cliniciens redoutent que l’inclusion systématique pour tous, aujourd’hui prônée en France, soit une rêverie bureaucratique, laquelle, en fermant des établissements de soins, conduise probablement à alourdir la charge des parents ». Cher M. Maleval (cher au sens premier, cher au sens financier, cher au sens du coût par séance), cette phrase à elle seule démontre que nous ne partagerons jamais vos objectifs.
La désinstitutionnalisation et la vie autonome font partie de nos droits humains fondamentaux. L’inclusion n’a aucune conditions. Elle n’est ni négociable, ni fragmentable en sous-catégories par degré de handicap. Sans transformation du système scolaire et de soutien au sein de l’école, pas d’inclusion. Concernant la désinstitutionnalisation, le but n’est pas de transférer des services à domicile, mais de démédicaliser et de fournir un soutien pour pouvoir accéder à ses droits fondamentaux. Nous souhaitons l’intervention d’équipes de professionnels, sans que les parents ne soient obligés de le faire (service public à l’école prôné par l’ONU). La désinstitutionnalisation est la pierre angulaire de notre projet, et nous ne souhaitons guère à cet égard recevoir vos leçons pontifiantes. Quant à qualifier les autistes de « charge pour leurs parents » reconnaissez que c’est un jugement de valeurs qui n’engage que vous, mais pas les autistes !
Dans le paragraphe suivant, vous expliquez, M. Maleval, que « le savoir du sujet sur lui-même est méprisé dans l’attente que le cerveau livre ses secrets ». Nous qualifier de « sujets » tout en prétendant devenir notre allié a quelque chose de drôle ! Que nous soyons opposés à l’ABA et à l’exclusion des autistes de la recherche ne signifie en rien que nous embrasserions (tiens, un trou !) béatement le bagage théorique psychanalytique, dont nombre d’entre nous ont très directement expérimenté l’inutilité, sinon la nuisance : diagnostics farfelus et erronés (dysharmonie psychotique…), culpabilisation de nos parents, etc. Notre critique de l’ABA repose sur la question des normes intégrées et sur le manque d’intérêt pour le bien-être de l’enfant. Il n’est pas question de prôner une approche psychanalytique en substitut, notre but est surtout de bénéficier d’une éducation accessible.
Vous regrettez ensuite que Hugo Horiot vous ait cité nommément sur Twitter en ces mots : « Jean-Claude Maleval et Michel Grollier [les auteurs], voici mon diagnostic : un peu cons sur les bords et au fond du trou ». Cela ne nous semble nullement relever d’un « arrêt du discours » ou d’une « pensée paresseuse » comme vous le prétendez, mais bien d’une saine réaction de colère face aux inepties que vous écrivez, tout en prétendant nous « écouter ».
Vous écrivez par exemple, dans L’Autiste et sa voix (2009), que le retour de la jouissance sur un « bord » peut se faire sur un objet, sur un double et sur un « îlot de compétence […] Ces composants de bord sont les plus aptes à ouvrir sur le social, par la dérivation des centres d’intérêt qu’ils peuvent susciter » (p. 173). Dans un autre de vos articles, vous écrivez : « «[l’îlot de compétences] peut constituer un de ces pseudopodes étendus vers le monde extérieur quand le sujet parvient à utiliser ses connaissances pour fonctionner socialement ».
« Le collectif est ouvert à des non-autistes, mais le souci de tolérance et de dialogue franchira-t-il l’épreuve de l’admission de psychanalystes au sein de l’association ? » , demandez-vous ? Nous acceptons les professionnels en tant qu’alliés et militants, non en tant que professionnels. Personne n’est autorisé à venir nous prôner une meilleure prise en charge avec sa propre méthode, la clause de conflit d’intérêts dans notre règlement s’y opposant. Nous soutenons l’auto représentation et la vie autonome, notre combat est politique, non du domaine de l’expertise.
Permettez que l’on vous réponde, monsieur maleval : nos pseudopodes de sujets étendus nous incitent à vous maintenir coûte que coûte à l’extérieur du collectif, et ce pour la bonne santé d’icelui !
1- Magali Pignard, « Autisme : le packing (thermochoc), non recommandé mais financé par l’État », The autist – Blog L’Express, 22 janvier 2014 (lire en ligne ).