Selon le docteur Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo, la militante écologiste Greta Thunberg serait manipulée à cause de son autisme. Pauvre adolescente, fragile, incapable de réagir par elle même… elle servirait les intérêts de méchants ayatollahs écologistes.
Laurent Alexandre ne fait qu’énumérer des poncifs validistes et psychophobes, en se plantant sur toute la ligne quant à l’aspect scientifique de l’autisme.
Les parents de Greta Thunberg n’ont jamais révélé l’autisme Asperger de leur fille. Elle en parle d’elle même sur son profil Twitter, et à la presse anglo-saxonne. Elle est assez grande pour penser par elle même, et exposer sa condition.
Une attaque d’égocentrique sur l’égocentrisme
Laurent Alexandre assène une insulte régulièrement adressée aux militants et militantes de l’autisme : leur prétendu égocentrisme. Une description initiale de l’autisme par le secteur psychiatrique étant “Détachement de la réalité extérieure accompagné de repliement sur soi-même”, cette insulte constitue une attaque validiste pour discréditer les militants autistes qui politisent l’autisme ou d’autres sujets.
Quel militant n’est pas égocentré ? Militer, c’est d’abord réagir aux injustices subies, sur soi certes, mais aussi pour les autres et dans l’intérêt général. En quoi est-ce négatif ?
Réponse du CLE au berger Laurent Alexandre, lui-même a un long passif de climato-sceptique, que l’on pourrait aisément qualifier d’égocentrisme…
Une référence à Asperger anachronique
Laurent Alexandre parle de l’autisme en se basant sur la définition et l’énumération des symptômes décrites en octobre 1943 par Hans Asperger, sous le nom de “psychopathie autistique”. La science et les descriptifs évoluent. Comment peut on se référer à des critères datant de 80 ans, lorsqu’on se prétend médecin ?
Cette référence est anachronique. Selon l’historienne Edith Sheffer, Asperger n’a jamais décrit des enfants Asperger, mais des enfants autistes ayant des capacités intellectuelles importantes : il n’a jamais décrit cette catégorie diagnostique datant des années 90, et il n’en aurait pas fait une catégorie à part dans le contexte de l’époque.
Cette catégorie ne date que de 1981, lorsque la psychiatre américaine Lorna Wing a déterré la thèse d’Asperger, et a crée puis popularisé le syndrome qui porte désormais son nom, notamment grâce à sa parution dans la Classification internationale des maladies CIM-10 en 1993 et dans le DSM-IV l’année suivante.
Asperger n’est pas une catégorie d’autisme qui existe réellement : elle a été construite après la mort d’Asperger en 1980, puis déconstruite à partir de la parution du DSM-V en 2013. Elle avait pour avantage de dé-stigmatiser les autistes avec des capacités intellectuelles importantes durant les années 90, époque où l’autisme était systématiquement associé à la déficience intellectuelle. Son maintien ne se justifie plus : Laurent Alexandre attaque une adolescente autiste sur des bases erronées, et méconnait les bases et l’histoire de la catégorie Asperger.
Déshumanisation et discrédit sur la base du handicap
Enfin, Laurent Alexandre discrédite Greta sur la base d’attaques validistes et psychophobes.
Il énumère des traits supposés des personnes autistes verbales, poncifs stigmatisants et essentialisants. Ces traits sont remis en cause par la science. Le problème de perception des prétendus déficits d’empathie provient surtout de neurotypiques qui ne font pas d’effort pour s’adapter ou communiquer avec les autistes. Quant à la fragilité et à la souffrance, la plupart des personnes autistes qui s’expriment détaillent très bien pourquoi l’autisme n’est pas leur principale cause de souffrance. Aucune personne autiste n’est identique à une autre ; les ranger dans une unique catégorie de traits revient à les déshumaniser, comme dans tout raisonnement stéréotypé et discriminant.
S’il y a des critiques entendables dans le mouvement environnementaliste, s’il faut aussi faire preuve d’esprit critique en matière d’écologie, ces critiques ne justifient aucunement la psychophobie et l’ignorance de Mr Alexandre envers les personnes autistes. Écouter davantage les personnes autistes, en particulier celles qui adoptent un mode de vie sobre sans rechercher de validation sociale, entraînerait certainement moins de problèmes écologiques.
Le collectif CLE Autistes condamne les propos discriminatoires et stigmatisants de Laurent Alexandre, et s’étonne que l’Express les publie sans aucun recul critique.