CLE Autistes a manifesté sa désapprobation par un tractage militant à l’entrée de l’Université de la Sorbonne à Paris contre la conférence de l’association étudiante Débats en Sorbonne co-organisée avec une association gestionnaire d’établissements spécialisés : Sesame Autisme.
Revendications :
- Les réalités individuelles de l’autisme sont dans la main des experts dès le début. C’est le modèle médical du handicap.
- Les réalités sociales de l’autisme sont représentées par les associations de parents et gestionnaires comme SESAME AUTISME. Un autiste a un rôle de simple témoin, la deuxième autiste travaille pour les associations gestionnaires.
- La dernière conférence vise à discréditer des personnes autistes réclamant leurs droits, du respect et l’égalité.
- Les associations gestionnaires d’établissements et de services sont des prestataires et nous prennent notre parole. Seule l’autoreprésentation des personnes autistes adultes est légitime. Un tel colloque doit être co-organisé par des autistes dans le choix des sujets et comme principaux conférenciers
- Il n’y a pas de bons établissements faisant de l’inclusion à partir du moment où ils imposent un mode de vie donné avec des libertés contrôlées par un personnel médico-social.
- La logique des IME et des foyers est une logique de rééducation autoritaire et carcérale vers une autonomie qui n’existe pas.
- La neurodiversité est une branche du mouvement pour les droits des personnes handicapées, elle part de nos réalités vécues : la ségrégation, la non-accessibilité et l’exclusion.
- Autistes auto-organisés, nous voulons la vie autonome et le soutien nécessaire pour vivre notre vie à égalité avec les autres, nous voulons le modèle social du handicap !
Ce qu’on ne vous dira pas (et suite à la conférence ce qu’on a pas dit)
A propos de la France, Rapporteure spéciale de l’ONU, mars 2019 :
« Ségrégation, violation des droits humains, privation de liberté »
- A relevé que les prestataires de services et les associations de parents, restent majoritaires et influencent la prise de décisions [des personnes handicapées].
- Est vivement préoccupée car : 81 000 enfants sont placés dans des établissements cloisonnés, 12 000 enfants et jusqu’à 40 000 élèves autistes ne reçoivent aucune instruction.
- Demande instamment à la France de fermer les établissements médico-sociaux existants et permettre à tous les enfants d’être scolarisés en école ordinaire*.
- Est extrêmement préoccupée par le nombre très élevé de personnes handicapées qui vivent dans des établissements. « Ces institutions restreignent toute la liberté des personnes handicapées, les séparent et les isolent de la collectivité, les privent de la possibilité de décider par elles-mêmes dans la vie de tous les jours, les empêchent de choisir les personnes avec qui elles vivent, imposent un emploi du temps et des habitudes ».
- Aucun lieu ségrégué même de petite taille, ne respecte le droit international.
- Recommande d’inscrire la désinstitutionalisation des personnes handicapées au rang des priorités.
- La France doit réformer en profondeur son système (…) fournir des services spécialisés et une prise en charge de proximité à ces personnes dans des conditions d’égalité avec les autres.
NOTRE REALITE EST DE VOULOIR LES MEMES DROITS ET L’EGALITE D’ACCES A LA SOCIETE AVEC LE SOUTIEN* ET L’ACCESSIBILITE NECESSAIRE
*avec une aide appropriée quel que soit le niveau des capacités.
Explicatif du tract :
Les droits valent pour tous et toutes, il n’y a pas de niveau de capacité qui déterminerait le niveau d’humanité. La neurodiversité est un mouvement des droits pour les personnes en situation de handicap cognitif, psychique ou mental, elle prône l’égalité et ces droits pour tous et toutes.
L’autonomie n’existe pas car il s’agit d’une construction sociale : c’est l’organisation à différentes échelles de la société (environnement, milieu social) qui rend dépendant. Pleins de personnes sont dépendantes des autres à commencer par les plus riches, les hommes hétérosexuels qui n’assurent pas les tâches ménagères, les personnes qui bénéficient du travail des migrant.e.s ou racisé.e.s (femmes de ménage, restauration). La majorité des personnes dirigeant les associations nationales de parents sont de classe moyenne et supérieure et sont blanches : elles sont dépendantes de pleins de personnes.
Cette dépendance est validée, invisible et considérée comme normale partout alors que la dépendance physique ou cognitive ne l’est pas. Il n’y a donc pas de services appropriés pour la compenser et la rendre invisible, l’assistance ( même bien payée) pour des besoins du quotidien sera dévalorisée. Ce sont ces représentations que nous voulons faire infuser dans la société et qui sont contenues dans nos revendications.
L’auto-détermination vaut pour tous les autistes y compris les autistes non-parlants. Certain.e.s autistes non-parlants peuvent écrire, et on ne leur apprend pas car il y a une dévalorisation systémique de leurs capacités. Ce n’est pas dans l’intérêt des institutions de leur faire et les parents n’y pensent pas forcément car ils sont imprégnés de validisme ou sont dissuadés par les professionnels de santé.
D’autres autistes non-parlants peuvent avoir des moyens de communication alternatifs et augmentés (CAA), là encore ces bonnes pratiques ne sont pas appliquées partout et encore moins dans des institutions ne supprimant pas la psychanalyse. Sesame Autisme n’a jamais pris position sur ce sujet. La recherche ne s’intéresse pas également au développement de ces moyens de communication pouvant permettre d’exprimer des besoins de façon plus élaborés. Si ce n’est pas accessible alors il faut les défendre!
Tout foyer même de petite taille qui laisse tous les pouvoirs au médico-social est illégal du point de vue international car on ne change pas les rapports de pouvoir. On peut repeindre les murs ou avoir une ambiance cosy, si le personnel médico-social impose un mode de vie et restreint les libertés individuelles, cela reste une institution déguisée.
Des projets de logement accompagné ou de colocation sont tout à fait recevables si l’aide est individualisée et non mutualisée, c’est le concept d’assistance personnelle. L’aide matérielle et humaine appropriée permettant de faire ses propres choix donne le choix du lieu de vie : seul ou en collectivité (quand on choisit ça s’appelle une colocation et non une institution). Mais dans les faits, on dénigre systématiquement l’option de vivre seul pour une personne vue comme déficiente intellectuelle et non-parlante par préjugés psychophobes et validistes.
Nous voulons une assistance personnelle ce qui veut dire un accompagnement fort pour les personnes autistes dites de niveau 3 (et les autres aussi qui en ont besoin). Cette assistance n’est plus de la rééducation mais du soutien pour faire ce que l’on désire et vivre (à l’école, à l’université, chez soi etc). Alors oui c’est difficile à comprendre pour un secteur médico-social qui s’est construit sur cette idéologie autoritaire de la rééducation depuis le capitalisme et la grande guerre ainsi que des parents élevés dans cette culture.
ACCESSIBILITÉ
Le jour même nous nous sommes rendus compte qu’il n’y avait pas d’accessibilité. Si la conférence fait place (relativement) à deux autistes, était-elle destinée qu’aux allistes (personnes non autistes)? Comment peut on parler des mots et des réalités de l’autisme sans faire en sorte d’inviter les personnes autistes à débattre dans une conférence les concernant?
-Il n’y avait aucun moyen d’accéder à la salle vu que l’adresse exacte, le plan et l’entrée n’a pas été donnée en avance ni sur place. Il n’y avait pas d’affichage à l’entrée pour indiquer les personnes vérifiant les inscriptions.
-Le formulaire n’a donné aucune réponse de confirmation alors que le mail si (et sans aucune indication).
-L’accessibilité n’a jamais été mentionnée alors qu’il s’agit d’une conférence sur le handicap : pas de salle de repos pour 4h de conférence sans pause par exemple. Les moyens de communication alternatifs n’ont pas été décrits ni proposés pendant les interventions (faire lire les questions ou les faire passer par écrit).
Clairement cette conférence n’a jamais été destinée aux autistes et a été pensée pour parler des autistes sans elles et eux. La place des autistes dans cette conférence était indécente : un simple témoin qui a heureusement critiqué la pathologisation de toutes les conférences, puis une représentante des personnes autistes qui travaille pourtant pour une association gestionnaire
Au passage, un projet d’inclusion par le “bénévolat” consistait à faire travailler les autistes à la mise en rayon en magasin, soit un emploi qui est sensé être rémunéré. Le travail gratuit des autistes est un secteur d’avenir… Mais Andros ne nous avait pas prévenu qu’il fallait nous exploiter pour qu’on puisse exister?
Intervention de Stef Bonnot-Briey :
Stef Bonnot-Briey fut la co-fondatrice de Satedi il y a 15 ans, elle est désormais une interlocutrice autiste importante pour le médico-social et les représentants politiques. Son intervention fut surprenante, et parfois hallucinante.
Résumé
“Je suis Stef BB, je suis une personne autiste, consultante et formatrice, vice présidente de l’association PAARI qui vise à défendre l’auto détermination des personnes autistes. Je travaille également pour le médico-social car je pense que cela permet de faire évoluer les choses de l’intérieur en l’ouvrant.
Je voudrais attirer l’attention sur le poids des mots et il faut être vigilant à la manière dont la communication sur l’autisme est faite, comment les représentations sont véhiculées. Nous sommes à une époque où l’information est beaucoup plus disponible qu’il y a quelques années. Il doit avoir une vigilance pour reconnaitre la diversité des personnes autistes
Les personnes autistes ont un fonctionnement de base qui est commun, mais on doit tenir compte de ce qui nous rassemble comme ce qui nous différencie car sinon on oubliera des personnes.
Les médias vous montrent l’extrémité du spectre : des personnes très touchées et avec beaucoup de difficultés ou des génies. Je répondais à une personne autiste sur Facebook qui disait que l’autisme était une force. Non, l’autisme n’est pas une force ni un super pouvoir, on a tous nos forces et nos limites, et ces forces et les limites sont spécifiques chez les autistes
Je voudrais qu’on replace donc l’autisme dans les justes réalités et si on doit laisser faire les médecins faire leur travail, je leur dis qu’on devrait évoluer vers un diagnostic fonctionnel.
Alors on est à une époque où il n’y a plus de chercheurs ou d’expert du sujet, on peut ne plus se faire diagnostiquer dans un CRA. On diagnostique où on dé-diagnostique sur FB. Et pendant ce temps il n’y a pas d’aspect développemental, dans notre quotidien notre réalité n’est pas quantifiée de façon fonctionnelle.
On se mobilise trop sur le diagnostic et pas assez sur les personnes. La stratégie nationale sur l’autisme parle bien d’intervention, on est bon en France sur les soins, mais peu sur la prévention. On doit reconnaitre les compétences et les forces de tous les autistes, on n’utilise actuellement pas ce qui fonctionne pour potentialiser l’évolution de la personne autiste.
En 15 ans, j’ai pu observé le développement de l’expertise d’usage et des patients experts. Oui des personnes autistes sont expertes, mais la personne autiste est UN expert parmi les autres. Il faut rester humble et à mon avis on peut observer des dérives.
[Dévalorisation de la position des autistes. Intervention du CLE qui coupe] : “C’est un expert de son propre cas, de son vécu”.
Bien sûr, ils sont experts de leurs vécus et de leurs cas, mais il faut faire la différence entre témoignage et information. On doit aussi les former. Il faut une mesure et on voit de plus en plus d’excès, il faut doser. Il y a une émulsion de nouvelles personnes qui arrivent sur la scène et il vaut mieux que nous nous articulions de manière cohérente. [Injonction à comment militer ou se comporter]
[Ah bon les autistes ne produisent pas leur propre information ni leur propre savoir? Ils ne sont que des témoins et doivent écouter les experts?]
Tout le monde est expert. C’est pas les parents contre les autistes et les autistes contre les parents
On y arrivera pas comme ça et il faut de la cohésion et de la justesse.
[Et comment le sait-on tout ça? Comment peut savoir que ça ne marchera pas?]
Quand j’ai exprimé mon propre vécu et témoignage il y a 15 ans, les parents ont pris aux mots mes dires, j’avais exprimé des choses qu’on pensait être valable pour tous les autistes avec des Stef BB en miniature dans toute la France. Je me suis rendu compte du poids de mes paroles et on a une responsabilité dans celle-ci : on doit se former.
Je voudrais aussi répondre à mes pairs qui disent que l’autisme n’est pas un handicap [Epouvantail], l’autisme reste une difficulté d’adaptation à son environnement à tous les niveaux, c’est un handicap
[Et pas un problème d’un environnement inadapté à lui?] [comment oublier les analyses de nombreux militant.es s’appuyant sur le modèle social du handicap pour défendre le modèle médical pathologisant et dépolitisant].
Si une personne autiste est mariée, a trois enfants et un travail, elle a peut être un fonctionnement neurologique particulier mais n’est pas en situation de handicap
[Il peut avoir pleins d’autres facteurs créant une situation de handicap autrement que dans l’apparence, et ce n’est pas lié aux normes de couple forcément. Il y a aussi le fait de compenser qui est nuisible et peut être dissimulé, ça reste assez caricaturale comme position]
Je pense qu’il va falloir différencier le diagnostic de la situation de handicap
[Tout ça pour sortir une banalité après 44 ans de modèle social du handicap et de travaux universitaires sur le sujet, elle va tout nous réinventer].
Le handicap impacte dans son quotidien ou pas [et pas le milieu inadapté bien entendu et l’exclusion, définition médicale du handicap bis].
Quand j’entends un de mes pairs dire que “l’autisme est une originalité” je ne peux pas l’accepter [nous non plus].
On doit laisser faire les experts faire leur travail
[bis défense du corps médical, du monopole de leurs savoirs et dépolitisation totale du diagnostic et de l’expertise, sociologie des sciences, antipsychiatrie où êtes vous?]
On a des besoins, mais mon niveau de capacité (ma cognition, mes capacités verbales et de communication) me permet de penser mes besoins, ce qui n’est pas le cas si j’avais une déficience intellectuelle sévère [termes médicaux bis, et infantilisation des personnes handicapées intellectuelles]
On doit être responsable pour cibler les besoins des personnes en situation de handicap. [définition de la responsabilité?]
Il y a aujourd’hui beaucoup de gens cherchant un diagnostic, je suis étonné de l’acharnement de certains pour avoir un diagnostic, on pourrait inventer un nouveau diagnostic : “les chercheurs compulsifs de diagnostic”. Je vois beaucoup de gens arriver sur la scène de l’autisme, ils ne sont peut être pas autistes, mais ils ont besoin d’aide et de soutien. Je ne voudrais pas que cela nuise aux personnes bipolaires ou schizophrènes. Les médecins devraient faire un meilleur diagnostic différencié
[Elle sème une rumeur sur les faux diagnostics de manière très subtile en attaquant les personnes autistes qui ont un avis différent d’elle, et les oppose contre les personnes malades mentales. En plus, on a l’impression qu’on ne peut pas être autiste et borderline ou autiste et schizophrène!]
On devrait donc avoir un meilleur diagnostic et un accompagnement spécifique. Cette recherche de diagnostic peut nuire aux personnes autistes en hôpital psychiatrique, s’ils ne sont pas diagnostiqués ils ne vont pas chercher une consultation dans un CRA contrairement aux aspergers. Il faut être attentif à cette situation et voir la réalité des personnes, pour leur qualité de vie et l’autonomie
[Deuxième opposition entre les personnes voulant un diagnostic pour leurs droits sociaux contre des personnes psychiatrisées][C’est creux l’autonomie ne signifiant rien]
Les personnes cumulant différents handicaps sont vulnérables [bis paternalisme et infantilisation, et la société ne les rend pas vulnérable?]
On ne doit pas faire n’importe quoi face à ce visage inclusif qu’on souhaite tous
[Nous y voilà, ah bon qui le souhaite? Les associations locales ne le souhaitent pas forcément. Un amendement a même été déposé et cela venait d’elles. Si c’était le cas ce serait déjà fait]
J’ai vu des sondages stupides : pour ou contre la désinstitutionnalisation. C’est évident tout le monde veut une société plus inclusive, plus tolérante, plus respectueuse
[ah bon qui là encore ? En suède ce n’était pas vrai, le problème est bien que tout le monde ne le veut pas car il y a des intérêts en jeu]
La question est de savoir si la société est prête et comment préparer cette transition. On doit se rassembler tous ensemble de manière cohésive pour le faire [deuxième injonction paternaliste pour savoir comment on doit s’y prendre ] : parler de parcours s’occuper des adultes, cerner les besoins et y mettre les moyens. Je vous remercie de votre attention
Cette conférence fut donc révélatrice et confirme ce que nous avons pu revendiquer dans les tracts, tout y était y compris des personnes concernées qui défendent le même modèle (médical et individuel) par conviction ou par d’autres intérêts, on ne sait pas. Nous défendrons notre place à égalité avec les autres sans rien lâcher.