Le Collectif pour la Liberté d’Expression des Autistes et Validity Foundation sont alarmés des conséquences de la décision du gouvernement concernant le confinement des résidents des établissements médico-sociaux qui accueillent les personnes handicapées. Face à une violation massive des droits fondamentaux, notamment le droit à la liberté, à la protection des détentions arbitraires, à la vie et à la dignité, notre collectif, avec le soutien des experts de l’ONG Validity Foundation, a déposé une requête devant le Conseil d’État le 28 mars. Le gouvernement produira ses observations avant le 1e avril.
Le 14 mars 2020, la Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre chargée des Personnes Handicapées, Mme Sophie Cluzel, annonce par voie de communiqué de presse la mise en place de mesures de confinement pour les personnes handicapées institutionnalisées. Cette décision, sans aucune référence juridique ni base légale apparente, ordonne le verrouillage des institutions médico-sociales. Souvent confinées dans des chambres, privées de tous contacts avec leurs proches et de tout moyen de communication alternatif tels que ceux déployés dans les institutions pénitentiaires, les personnes handicapées se retrouvent dans une situation de grande détresse psychique et danger physique, livrées à toute sorte d’abus potentiel, dans des institutions opaques qui échappent à tout contrôle indépendant.
Des mesures arbitraires, illégales et indignes
Nous ne pouvons que constater les manquements graves au droit français et aux conventions internationales, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH) et la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) du gouvernement à travers cette décision.
Les personnes institutionnalisées, privées de leur liberté et souvent de leur capacité juridique, sont enfermées de façon arbitraire dans des établissements médico-sociaux du seul fait de leur handicap. Elle se trouvent à présent privées de leur droit à la vie, à la dignité et à l’accès aux soins.
La crise sanitaire actuelle aggrave la situation de ces personnes, et la décision de la Secrétaire d’État ne fait qu’accentuer les inégalités et le traitement discriminatoire réservé à ces personnes, soumises à un traitement encore plus défavorable que celles qui se trouvent dans les établissements pénitentiaires.
Nous avons décidé, en qualité d’association militant pour les droits des personnes en situation de handicap, de saisir le Conseil d’État, afin d’obtenir la mise en place de mesures d’urgence indispensables pour assurer la liberté, l’égalité et la non-discrimination des personnes handicapées en institutions spécialisées.
Dans un souci de transparence et de prévention des abus à l’encontre de personnes handicapées privées de leur liberté et qui se trouvent davantage restreintes dans des établissements médico-sociaux, il est primordial de mettre en place un mécanisme de contrôle indépendant et de permettre à des tiers d’accéder à ces institutions, conformément à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
La situation de crise sanitaire ne saurait justifier un accroissement de la violation des droits des personnes handicapées en France. Celles-ci doivent bénéficier des mêmes protections et jouir des mêmes droits que toute autre personne se trouvant sur le territoire de la République. La protection de la société et la limitation de la propagation du virus COVID-19 ne peuvent avoir pour effet de condamner à une peine de mort tacite les personnes institutionnalisées en les privant d’accès aux soins et en les contraignant d’être confinées avec des personnes déjà infectées.
Les effets morbides de la décision du gouvernement se font déjà sentir. La presse régionale a déjà relayé plusieurs cas de contamination massive ayant entraîné plus de 200 décès dans les EPHAD. La crainte que les institutions accueillant des personnes handicapées se transforment en mouroirs est réelle.
Des témoignages inquiétants
Nous recevons de nombreux témoignages alarmants sur la situation des personnes confinées. De graves cas d’automutilations, des enfants en larmes criant « maman, papa » pour avoir un contact avec leurs parents, d’autres clamant « ne me touchez pas, laissez-moi mourir », de nombreuses personnes handicapées ne s’alimentant plus.
La crise Covid-19 ne fait qu’exacerber la situation déjà désastreuse des personnes handicapées. Le personnel de renfort dans les établissements médicosociaux ne dispose pas toujours des compétences relatives au handicap ce qui conduit à la mise en danger des personnes concernées.
Nous demandons par conséquent, la mise en place de dispositifs d’aménagement raisonnable et d’autorisations de sortie dérogatoires. La crise sanitaire actuelle est, plus que jamais, le moment de s’interroger sur le modèle de dépendance des personnes handicapées entretenu par le système français, devenu obsolète. Nous demandons également la reconnaissance de ces institutions comme des lieux de privation de liberté conformément à l’interprétation du Comité de l’ONU de la CDPH dans l’Observation générale N°1 et par la suite, leur fermeture.
En temps ordinaire, ce modèle institue et justifie la privation arbitraire de liberté. En période d’urgence sanitaire, les institutions médicosociales deviennent un piège épidémiologique, un lieu de violation massive des droits humains, soustraits à tout contrôle indépendant.
Contact Presse :
Thibault Corneloup contact@cle-autistes.fr