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Pour une Europe Antivalidiste – Plaidoyer élections européennes 2024

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À l’occasion des élections européennes 2024, CLE Autistes dévoile son manifeste pour une politique antivalidiste et inclusive à l’échelle de l’Union Européenne. À ce jour, seul le parti des Écologistes (anciennement EELV) a répondu à nos sollicitations concernant nos trois propositions phares.

Ces propositions s’alignent avec les positions collectives de notre fédération européenne pour les associations dirigées par des autistes (27 associations dans 17 pays de l’Union Européenne, EUCAP) et du réseau européen pour la vie autonome (ENIL).

LEXIQUE

Validisme : ensemble de normes censées définir ce qu’un corps valide serait capable d’accomplir comme tâches, au quotidien comme dans les espaces de participation à la vie collective. Ce terme indique la manière dont nos sociétés sont organisées autour de ces normes, en excluant ou en rendant difficile l’accès aux personnes handicapées, qui ne peuvent s’y conformer ou alors au prix de leur santé physique et/ou psychique.

Psychophobie / Sanisme : désigne l’ensemble des discriminations et des violences subies par les personnes ayant ou étant soupçonnées de souffrir de pathologies psychiques.

Désinstitutionnalisation : demande visant à mettre fin à la mainmise des associations de gestionnaires, des institutions médico-sociales et psychiatriques sur les vies des personnes handicapées et en souffrance psychique en fermant les institutions spécialisées et en favorisant des services de soutien respectant l’autodétermination à la place. C’est donc l’entièreté du modèle médical du handicap qui est visé, conformément aux recommandations de l’ONU.

Introduction : 

A l’approche des élections européennes de 2024, nous constatons un vide quant aux revendications de lutte contre le validisme au sein des programmes des partis politiques. Nous plaidons pour l’inclusion de ces enjeux parmi les questions essentielles auxquelles ces élections pourraient répondre.

Nous observons de fait une vision médicale et focalisée sur la santé, ainsi que l’absence d’une vision structurelle et sociale du handicap au sein de ces programmes. 

Alors que Vivre dans à la Cité à égalité avec les autres pour les handicaps est inscrit dans l’article 15 de la charte sociale européenne, cela reste appliqué de façon hétérogène. De nombreux pays comme la France institutionnalisent massivement la population handicapée dans des structures à l’écart de la société, tandis que d’autres pays ont de leur côté fait le choix de l’inclusion intégrale via des stratégies de désinstitutionnalisation. Nous enregistrons aussi des reculs et des critiques face à nos demandes d’inclusion quand des syndicats d’enseignants s’y opposent frontalement. De son côté, le gouvernement français a renoncé à la désinstitutionnalisation en continuant à construire les institutions qui participent de cette ségrégation sociale des personnes handicapées et à favoriser les classes spécialisées pour l’autisme.

Les organisations par et pour les personnes autistes et handicapées sont rarement consultées et incluses dans les politiques qui les concernent. En France, ce sont les associations gestionnaires de services médico-sociaux qui sont consultées sur tout projet, alors que cela représente un conflit d’intérêt rappelé par l’évaluation de la France par le comité CDPH de l’ONU en 2021. 

Nous appelons de fait à ce que les institutions européennes encouragent plus activement la mise en œuvre du modèle social du handicap promu par la CDPH de l’ONU. Si elles n’y contraignent pas les Etats, elles peuvent du moins financer de façon plus ciblée les organismes qui s’engagent à en appliquer les principes. Les partis politiques doivent jouer un rôle majeur en portant une politique antivalidiste et contre la psychophobie. CLE Autistes s’engage dans ces élections européennes à travers ce manifeste.

Pour une Europe qui s’engage contre les violences validistes que subissent les personnes handicapées, notamment les femmes 

Les violences validistes subies par les personnes handicapées relèvent d’un phénomène structurel, au même titre et souvent à l’intersection d’autres formes de discrimination et d’oppression. De fait, les femmes et minorités de genre vivant avec un ou plusieurs handicaps sont d’autant plus exposées à de mauvais traitements et à un accès inégalitaire à leurs droits fondamentaux.

La directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes a renoncé à la criminalisation de la stérilisation forcée et le remplacement de la définition du viol fondée sur le refus (“non signifie non”) par une définition fondée sur le consentement (“seul oui signifie oui”).

Pourtant, selon l’article 16 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, les États parties doivent protéger les personnes handicapées contre la violence et les abus, notamment leurs aspects liés au genre, en assurant une assistance et un soutien adaptés au genre et à l’âge. 

Alors que 17% des personnes handicapées sont victimes de violences , contre 8% des personnes non handicapées. Les femmes et les filles handicapées font face à plusieurs formes de discrimination et sont souvent victimes de violences dans les cadres institutionnels.

La violence à leur encontre peut revêtir différentes formes, notamment le harcèlement, la violence physique et sexuelle, la traite des êtres humains, ainsi que la contraception, l’avortement et la stérilisation forcés.  Il est également souligné que 1 femme handicapée sur 2 a été sexuellement abusée et 1 sur 3 a été violée. L’EUCAP cite 8 femmes autistes sur 10 ont été victimes de violences sexuelles, avec la moitié d’entre elles subissent ces violences à plusieurs reprises. Par exemple, en Allemagne, 17% de toutes les femmes handicapées ont été stérilisées en 2017, contre 2% de la population féminine dans son ensemble.

De manière générale, nous appelons l’UE à mettre en place des législations luttant de façon claire contre tout traitement dégradant et inhumain des personnes handicapées.

Nous exigeons que les partis politiques s’engagent dans leur programme politique à  : 

  • Reconnaître que les personnes autistes et les personnes neurodivergentes avec différents niveaux de handicaps sont des personnes avec les mêmes droits que les autres et font face aux discriminations comme toute autre minorité. 
  • Modifier la Directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes. 
  • Stop aux stérilisations forcées et aux violences sexistes et sexuelles : soutenir l’objectif 7 du Manifeste du Réseau Européen pour la Vie Autonome : Renforcer les garanties juridiques en incluant la violence basée sur le genre dans la liste des crimes de l’UE.
  • Défendre l’autodétermination et la liberté de choisir ce qui sera fait ou non avec nos corps et nos droits.

Pour une Europe inclusive et solidaire qui permet l’égalité des droits et l’autodétermination de toutes les personnes handicapées.

La quête d’autonomie est un droit fondamental auquel tout être humain doit pouvoir avoir accès. Pourtant, en France comme dans d’autres pays d’Europe, l’accès à ce droit est compromis pour nombre de personnes handicapées. Qu’il s’agisse de freins institutionnels, liés aux infrastructures ou aux mentalités, une Europe inclusive et solidaire se doit de favoriser l’autodétermination et non la mise à l’écart des personnes handicapées dans des institutions.

Un rapport de l’ENIL* demande de poursuivre l’effort de promouvoir l’égalité des droits et l’autodétermination des personnes handicapées et d’utiliser les critères contenus dans l’article 19 la CDPH de l’ONU pour évaluer  l’attribution de l’aide d’État fournie aux institutions.

Le Commentaire général n°5 stipule qu‘”aucune nouvelle institution à long terme ne devrait être construite et que les anciennes institutions de soin à long terme ne devraient pas être rénovées au-delà des mesures les plus urgentes nécessaires pour sauvegarder la sécurité physique des résidents”. De plus, “les États parties doivent veiller à ce que des fonds publics ou privés ne soient pas utilisés pour entretenir, rénover, établir, construire ou créer des institutions ou des formes d’institutionnalisation”. 

Par conséquent, pour se conformer à la CDPH de l’ONU, l’UE et les États membres doivent garantir qu’aucun fonds public ne soit alloué à de nouvelles institutions ou à des institutions existantes pour les personnes handicapées, ou pour tout autre groupe, surtout dans un contexte où de nombreuses institutions sont gérées par les intérêts privés d’associations gestionnaires.

En même temps, les fonds de l’UE devraient être utilisés pour financer l’expansion des services communautaires, tels que l’assistance personnelle, dans la mesure du possible.  Par contre, les petits foyers et les habitats inclusifs ne doivent pas être considérés comme des services communautaires ou comme faisant partie des stratégies de désinstitutionnalisation, puisqu’ils participent également d’une mise à l’écart des personnes handicapées.

 * European Network on Independent Living

Nous exigeons que les partis politiques s’engagent dans leur programme politique à  : 

● Travailler à soutenir les objectifs 1 et 4 du Manifeste du ENIL.

● Garantir le droit à la vie autonome en adoptant une directive de l’UE sur la vie autonome, obligeant les États membres à mettre en place une assistance personnelle, un soutien par les pairs, un soutien pour l’accès au logement et à l’emploi, des services grand public accessibles, ainsi que d’autres services qui remplaceront les institutions spécialisés. Ces services doivent être co-conçus avec les personnes handicapées et leurs organisations représentatives.

● Garantir que les fonds de l’UE soutiennent la vie autonome, et non la ségrégation, en veillant à ce que le prochain règlement des dispositions communes et les règlements établissant le Fonds social européen Plus (FSE+), ainsi que le Fonds européen de développement régional (FEDER) soutiennent le développement de ces services au lieu de financer des institutions.

Pour une europe de la recherche participative et de la santé communautaire au coeur du projet européen

Les modèles médicaux du handicap concentrent essentiellement l’emploi des ressources sur la recherche de traitements et de mesures de contrôle, à but curatif ou préventif. Ces travaux de recherche et leurs conséquences sur les stratégies du handicap mises en œuvre par les Etats se font dans la plupart des cas sans la concertation des premières personnes concernées et ne prennent que peu en compte leur principale demande d’être traitées comme des sujets de droit et non comme des sujets d’étude, encore moins à des fins lucratives.

De façon contraire à nos principes, des études européennes comme AIMS-Trials ont été financées par les programmes Horizon-2020. Ils y ont témoigné d’un engagement pour la recherche biomédicale, dont le but est de comprendre la biologie de l’autisme et de financer des traitements et des innovations technologiques. 
Des Etats comme la France ont eux aussi favorisé des études comme la cohorte Marianne qui cherchent à connaître les causes environnementales de l’autisme pour développer des traitements, voire des dépistages prénataux. 
Nous encourageons en réponse à ces initiatives le principe du “Rien pour Nous Sans Nous”. Celui-ci réclame une participation politique pleine et entière des personnes handicapées aux décisions qui les concernent et à l’élaboration de la politique du handicap. 
Les personnes handicapées peuvent s’exprimer par et pour elles-mêmes. L’Europe doit s’engager pour mettre les usagers au centre et privilégier des programmes de recherche qui favorisent la santé communautaire et le développement de travaux de recherche à partir des savoirs et des expériences de vie des personnes directement concernées. 

Elle doit également garantir la liberté de choix quant aux thérapies choisies par les personnes handicapées et leurs familles, sans imposer comme norme des formes de thérapies invasives et souvent douloureuses (comme certaines thérapies cognitives et comportementales). L’accès au soin doit mettre la personne au centre de la démarche de mise en œuvre d’un accompagnement adapté, quel qu’en soit le domaine et l’âge de la personne concernée. L’égalité, l’inclusivité et la qualité de cet accès au soin et à un diagnostic approprié doit aussi veiller à réparer l’écart quant à l’exclusion patente dont en sont en outre victimes les femmes et les personnes issues de groupes assignés à la minorité.

Nous exigeons que les partis politiques s’engagent dans leur programme politique à

 ● Promouvoir l’investissement dans la recherche en accord avec les besoins et les priorités des personnes autistes définies par des enquêtes et la littérature évaluée par les pairs comme lignes directrices ; 
● Veiller à ce que les projets de recherche financés par l’UE sur l’autisme soient évalués de manière indépendante, notamment AIMS-2-TRIALS et ses éventuels dérivés, avec la participation des organisations de personnes autistes.
● Attirer l’attention sur la réglementation des Innovative Health Initiative et des programmes Horizon Europe afin d’empêcher le financement par l’UE de recherches sur l’autisme qui ne respectent pas les droits des autistes ; 
● Demander une révision des lignes directrices de l’Agence Européenne des Médicaments sur le développement de produits médicaux pour l’autisme afin de les harmoniser avec les connaissances actuelles, y compris les connaissances sur ce que les personnes autistes considèrent comme des cibles souhaitables pour les médicaments.

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